Le deuil en Afrique: entre solidarité et mauvaise foi... (Partie 1)

Le deuil en Afrique: entre solidarité et mauvaise foi... (Partie 1)

  • Hamed Housseni
  • Published 2 years, 7 months ago
  • View Comments

"C'est dans le malheur qu'on reconnaît ses vrais amis". La sagesse africaine tend à être mal interprétée et comprise par les autochtones du berceau de l'humanité.

S'il est évident de porter assistance à un proche pour qui l'on a une fraternelle considération, au moment où il est plongé dans la tristesse, il n'en demeure pas moins qu'une contrainte morale s'est vite instaurée dans la société africaine. À l'origine, lorsqu’on perdait un être cher, une gigantesque compassion de tous (amis, collègues, associations, connaissances, etc.) nous frappait sur la tête en guise de solidarité et d'amour sans que l'on ait à demander quoique ce soit. C'était tellement beau qu'autrefois, les familles endeuillées étaient dispensées du paiement de certaines factures liées à l'organisation des obsèques. Entre la contribution anonyme d'une personne ayant connu le défunt et celle d'un membre de la famille dont les revenus ne permettaient que l'emplette d'un bouquet de fleurs, tout était reçu à sa juste valeur avec joie. Les tendances aujourd'hui nous éloignent des valeurs à nous léguées par les ancêtres.

La mort n'est plus vraiment perçue comme un malheur, sinon un malheur festif où l'occasion est donnée aux enfants prodiges (parce que plus riches de la famille) d'exposer leur puissance économique; un moment où les attristés sillonnent l'ensemble des milieux associatifs auxquels ils appartiennent et prennent contact avec leurs "amis" pour partager avec eux leur affliction en espérant pouvoir recueillir quelques billets de banque. Le deuil en Afrique est donc l'évènement propice pour des collectes de fonds. Mais où va véritablement cet argent ? Tenez-vous bien parce que comme on dit ici, "le malheur des uns fait le bonheur des autres".

D'abord, les familles à revenus moyens se concertent généralement pour établir une liste de besoins essentiels pour que les obsèques soient parfaites. Ensuite, elles financent l'ensemble jusqu'au moindre petit détail grâce aux contributions des frères, sœurs, oncles et autres âmes de bonne volonté. Les fruits des différentes collectes sont quelquefois destinés à un investissement privé à la suite du deuil ou à un partage entre frères. C'est sans doute ce qui justifie la finition des travaux de construction d'une maison par l'oncle du village dont la pension retraite ne suffit pas à alimenter toute sa progéniture. Je me rappelle même d’un voisin qui a construit le deuxième niveau de sa maison qui avait duré des années sans voir un nouveau parpaing.

Tout contre dit, la célébration de la mort en Afrique est un véritable gouffre financier. D'ailleurs, le secteur du funéraire y est plutôt lucratif. Plusieurs familles s'endettent, parfois sur plusieurs années, pour organiser les funérailles d'un de leur membre; l'honneur est en jeu. On l'aura donc compris : les funérailles doivent être à la hauteur du statut social du défunt. Organiser un banquet de 1000 personnes représente une somme colossale.

Heureusement, de nos jours, les assureurs africains démocratisent les contrats obsèques, justement pour prévoir cette cérémonie traditionnelle et coûteuse.

"C'est dans le malheur qu'on reconnaît ses vrais amis". La sagesse africaine tend à être mal interprétée et comprise par les autochtones du berceau de l'humanité.
Tags:
Comments
blog comments powered by Disqus